La journée débutait comme toutes les autres, il était encore tôt mais il ne fallait pas tarder. Comme tous les matins, elle se réveillait avant son maître et partait travailler à pieds, la marche ne durait pas longtemps, mais assez pour que Luna puisse réfléchir à ce qu'elle voulait. Elle n'aimait pas spécialement ce travail, mais ne le détestait pas non plus, en fait c'était toujours mieux que de rester à la maison. Elle ne considérait pas vraiment que c'était sa maison d'ailleurs, vu qu'elle n'était qu'une hybride, ce n'était pas à elle.

Une fois arrivée, elle se met directement au travail, saluant rapidement ses collègues hybrides. Les yeux de la louve brillaient dans la semi-obscurité pendant qu'elle préparait les tables avec les couverts. Sa tenue était ajustée, comme d'habitude elle avait sa tenue noire habituelle, son tailleur noir accompagné de sa cravate à carreaux noirs et blancs assortie à sa jupe plissée pour finir sur ses chaussettes arrivant jusqu'aux cuisses. On pouvait la remarquer facilement autour des autres hybrides avec leurs tenues blanches de servantes, en plus de ses yeux vairons et de ses cheveux bicolores.

Le soleil se lève alors doucement, Luna prend le temps de le regarder quelques secondes, avant de se faire rappeler à l'ordre par le patron du café. Si seulement la lune pouvait aussi briller le jour... C'était donc parti pour une nouvelle journée. Comme d'habitude, le café était bien remplis peu importe l'heure, et même si elle n'était pas du tout la préférée des clients, elle avait de quoi faire. Toujours avec sa moue habituelle, elle passe entre les tables pour voir si rien ne manque, venant soupirer d'exaspération en voyant l'une de ses collègues s'asseoir sur les genoux d'un client et une autre se faire prendre en photo tout sourire avec lui. Ce n'était absolument pas son truc, heureusement sa tête semblait retenir les clients de lui demander ce genre de service, car elle n'hésiterait peut-être pas à montrer ses crocs. Soudain, quelqu'un l'interpelle. Luna se dirige alors vers la voix.

" Bonjour, vous voulez quoi ? "

Elle vient saluer l'homme en penchant légèrement la tête, prenant en main son petit bloc note et un stylo, reportant son regard sur le jeune homme blond. Sa voix était neutre, il faut dire qu'elle n'arrivait pas à faire comme ses collègues une voix très aigu qui serait apparemment très mignonne du point de vue des clients. Il ne lui semblait pas l'avoir déjà vu ici, de toute façon elle n'avait pas une très grande mémoire des visages, et ce n'était pas son travail de se souvenir de tout le monde... Elle attend alors sa réponse, n'affichant aucun sourire, mais sans être en colère ou ennuyée.

S'attendant à recevoir une commande, Luna s'arrêta quelques secondes en suivant le regard de l'humain vers la vitre. Il venait sérieusement pour l'acheter ? Ca semblait trop improbable. Son maître actuel voulait la vendre à tout prix bien sûr mais il n'allait pas faire beaucoup de pub pour ça au final.

" Quoi ? "

L'humain aux cheveux blonds vient donc exprimer sa demande, Luna le regardait stupéfaite. Pourquoi il voudrait l'acheter alors qu'il ne la connait pas ? En plus elle ne venait même pas d'une animalerie, c'était encore plus bizarre. En tout cas cette nouvelle ne la faisait pas spécialement sourire, car rien n'était fait et une adoption, ça va ça vient non ? Quand elle était à l'animalerie, elle avait vu d'autres hybrides partir et revenir, donc bon ce n'était pas la peine de s'enthousiasmer pour ça surtout si ça n'allait pas durer.

" Euh oui ça devrait être bon... "

Cet humain semblait trop confiant, ou trop gentil plutôt. Il proposait même de mettre un supplément et de payer son verre et son temps de travail utilisé. De toute façon, elle n'avait pas vraiment le choix c'était un client et elle devait le servir et comme ça elle ne serait peut être plus avec son maître ce soir alors ce n'était pas plus mal finalement. Luna s'installe alors en face de lui, venant appeler une collège pour qu'elle vienne prendre leur commande. Toujours discrète et silencieuse, elle finit par lui poser la fameuse question.

" Pourquoi vous voulez m'acheter ? "

La louve commande alors un chocolat chaud pour se réchauffer un peu, elle était frileuse malgré son hybridation nocturne, on ne pouvait pas tout avoir. Et puis, pouvoir entendre plus loin c’était pas tout le temps pratique, surtout ici en entendant les clients discuter entre eux ou embêter les serveuses.

Aider ? Voilà une façon bizarre de dire qu’il voulait adopter un hybride. Mais vu comment il agissait, il semblait sincère avec ces allures de chevalier sauveur. En fait tout cet amat de bonheur mettait un peu la louve mal à l’aise. Peut-être parce qu’elle n’avait pas l’habitude de voir quelqu’un aussi joyeux. Personne n’était aussi joyeux que lui, et son maître encore moins. Elle se demandait parfois pourquoi il l’avait acheté d’ailleurs. Mais voilà qu’elle allait changer de propriétaire. Il voulait donc qu’elle ai un toit, mais elle en avait déjà un de base non ? Mais peut-être que son maître voulait bientôt la jeter de chez lui vu que l’annonce commençait à dater un peu, mais il valait mieux ne pas tenter le diable et attendre alors qu’une occasion se présente.

Le blondinet vient alors lui demander si ça lui irait d’être achetée. Elle réfléchit quelques secondes. Luna continuait d’observer l’homme de ses yeux vairons, n’ayant trop rien à dire. Elle n’était pas vraiment bavarde, alors ses réponses étaient très courtes.

" Bah euh… Oui… "

C’était un peu le but de tout hybride non ? C’était rabâché encore et encore qu’ils doivent servir les humains et que leur but était d’être acheté pour en servir un, donc comment répondre négativement à cette question ? Mais de toute façon dans son cas, elle voulait être achetée. Elle remarque alors qu’il ne lui avait pas dit son nom, un oubli sans doute, il avait l’air très stressé par cette situation. Il lui demande ensuite si elle avait peur de perdre quelque chose en changeant de propriétaire.

" Euh non… "

Qu’aurait-elle à perdre ? Rien ne lui appartenait, ou alors elle avait peut-être mal compris la question… Après tout, qui dit nouveau maître dit nouvelle vie. La louve vient alors penser à son métier de serveuse. C’était surtout ça qui pouvait s’arrêter s’il le voulait.

" Est-ce que je travaillerais encore ici ? "

Ce n’était pas son métier de rêve, elle ne pense pas en avoir de toute façon, mais travailler était toujours mieux que de rester à la maison à rien faire… Mais cela déprendrait de lui, si il avait besoin d’aide chez lui, elle ne pourrait pas refuser de toute façon. Et puis, si elle travaille encore, ça lui fera des revenus en plus car elle n’avait pas le droit de garder de l’argent pour elle. Mais vu les motivations de l’homme, elle ne doutait pas qu’il lui dirait qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait.

" Qu’est-ce que je devrais faire pour vous ? Je devrais m’asseoir sur vos genoux ? "

Luna vient passer son regard sur ses collègues, tout ça semblait normal autant pour les hybrides que les humains présents dans le café. Elle savait qu’elle devait obéir bien-sûr, mais elle avait par exemple toujours été pas très proche de son propriétaire actuel, qui était maintenant assez désespéré pour vouloir s’en débarrasser.

Ne sachant pas le métier de celui s’annonçant comme son nouveau maître, elle devra sans doute s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine. Ce n’était pas la plus forte dans le domaine, mais elle pourra toujours faire de son mieux. Elle ne voulait pas se faire détester, au contraire, mais elle trouvait qu’il y avait une différence entre faire le choix d’accepter sans réfléchir et de faire en le voulant vraiment.

Sa méfiance s’en allait petit à petit, les questions et les réponses qu’il donnait montrait quelqu’un qui semblait sincère, et puis de toute façon Luna était décidée. Ce n’était pas elle qui avait le dernier mot de toute façon, mais son propriétaire semblait désespéré au point de la vendre ou carrément de la donner au premier venu.

La louve apprend alors que Elliot dirige un orphelinat. Elle l’écoute, gardant son air neutre, mais la peur vient la saisir, venant quand même faire bouger ses pupilles. Des enfants ? Elle n’aimait pas les enfants, enfin ceux en bas âge surtout. Pouvait-elle dit qu’elle les déteste même ? Ils sont tous insupportables quand ils viennent avec leurs parents. Ils hurlent, tire sur sa queue, font tout tomber… C’était une chose qui pouvait rapidement l’énerver, même si elle n’est pas une bête sauvage à vouloir leur faire du mal, du moins, pas au point de le faire réellement. Ca pouvait remettre tout en question, s’occuper d’un humain seul n’était pas la même chose que de s’occuper d’enfants toute la journée…

" Ah oui ? "

Elle ne pouvait que le croire, mais eux ont-ils peur du grand méchant loup ? Son regard et son visage se détend et se décrispe. Elle pouvait leur laisser une chance, car qui dit orphelinat dit enfant abandonné, un peu comme elle en soit. Mais surtout, il ne voulait pas les éduquer comme la plupart des têtes pensantes, à mépriser les hybrides, ce qui était une bonne chose. Ça voudrait dire qu’elle serait une sorte de modèle pour eux ? Une sorte de première hybride à côtoyer. Après tout, elle pouvait essayer, ça ne coutait rien et elle se sentait curieuse en voyant cet homme et humain si sincère et la regardant en souriant sans à-prioris. Un peu gênée par cette situation très inattendue mais toute cette bonne attitude lui arrache tout de même un sourire.

" Ah euh… Oui pourquoi pas ! Mon maître est très pris par son travail, mais je pense que si vous l’appeler il réglera tout. "

Il venait de moins en moins chez lui ces derniers temps, c’était donc le seul moyen de lui parler. Luna vient alors lui transmettre le numéro, ne possédant pas de téléphone, tendant discrètement une oreille. Son hybridation pouvait au moins lui servir à ça. Mais elle savait déjà ce qu’il dirait. Matérialiste, il garderait tout ce qu’il avait prêté à la louve pour sa prochaine servante et enverrait les papiers par courrier et l’hybride serait à Elliot dès qu’il aurait raccroché.

Elle pouvait détecter son ton bourru et désagréable à des kilomètres. Il lui parlait parfois avec peine, et toujours à sens unique. Il était déjà comme ça à son arrivée, mais sa présence n’avait pas arrangé la situation, peut-être même l’inverse.